Chaque monastère du bouddhisme tibétain, dit Vajrayana, est rattaché à une divinité tutélaire. Pour commémorer le jour anniversaire de celle-ci des danses sont exécutées pour la mettre en scène avec ses différentes manifestations.
On appelle Cham ou Chham les danses rituelles exécutées lors d’une fête annuelle dans les monastères du bouddhisme tibétain. Elles se déroulent en règle générale dans la cour du monastère accompagnées d’instruments de musique traditionnels.
Ces danses sont effectuées par les moines du monastère avec éventuellement ceux d’un monastère voisin venus en renfort. Ceux-ci sont vêtus de longues tenues de brocards de couleurs vives et portent de larges masques qui représentent des protagonistes du bouddhisme tibétain ainsi que des démons et autres créatures mythiques.
Les moines se préparent à leur rôle par le jeûne, la méditation et la visualisation des divinités qui s’incarnent dans l’interprète.
Les Cham sont considérés comme une forme de méditation et apporte des mérites à ceux qui les regardent. Ils sont aussi un facteur d’identification et d’appartenance à la culture tibétaine.
Le format définitif du Cham est spécifique à son monastère d’origine et à son ordre religieux. Des instructions précises définissent aussi bien la chorégraphie que l’iconographie des costumes et des masques. Ils varient donc d’un monastère à l’autre.
Si ces danses sont suivies avec une grande ferveur par les fidèles, même si peu d’entre eux en comprennent le sens profond, elles sont devenues un spectacle pour la majorité des touristes.
En voici quelques exemples sur les destinations de Rencontres au bout du monde.
Fêtes et danses rituelles dans les monastères bouddhistes tibétains du Népal
Chiwong : Mani Rimdu du 14ème au 16ème jour du 10ème mois du calendrier tibétain.
Chaque automne, à la pleine lune du dixième mois du calendrier tibétain, au monastère de Chiwong dans le Solu Khumbu, est célébré le Mani Rimdu; célébré également dans les autres monastère du Solu Khumbu comme Junbesi, Thame et surtout Tengboche.
C’est après plusieurs jours de préparation et de rituels, avec l’élaboration d’un mandala de sable, que se déroule le festival proprement dit qui attire de nombreux Sherpas et bien sûr pas mal de touristes.
Le Mani Rimdu est né au monastère de Mindroling, au Tibet Central. Il est ensuite célébré au monastère de Rongbuk, sis à 5 000 mètres avec sa vue imprenable sur la face nord de l’Everest, avant de franchir la frontière népalaise et d’arriver au Solu Khumbu, pays des Sherpas.
Rimdu, en langage sherpa, est une déformation du mot tibétain Rildrup et peut se traduire par rituel des pilules.
Les 3 jours de la fête se décomposent comme suit.
Jour 1 – bénédiction – Wong
C’est le jour de la pleine lune du dixième mois que démarrent les cérémonies publiques. Le Rinpoche (lama en chef) de Chiwong purifie la foule avec de l’eau bénite. Les fidèles se pressent au pied du Rinpoche pour recevoir des pilules sacrées (Rilwu) et des pilules de longue vie (Tshereel). Toute l’assemblée prie et chante.
Jour 2 – danses rituelles
- Cham
Les moines vêtus de brocards colorées et le visage couvert d’un masque dansent selon une chorégraphie très précise et aux sons scandés par un petit groupe de moines musiciens.
Ces danses rejouent la lutte du bien (le dharma) contre les démons et interprètent les concepts philosophiques du bouddhisme.
- Ser-Kyem (libation d’or)
6 danseurs offrent des coupes de thé et d’alcool et des tormas aux différents gardiens du dharma, lamas, divinités, protecteurs.
De nombreux tableaux vont ensuite se succéder :
- danse des 4 protecteurs de Guru Rinpoche, les Ghing-pa
- danse des Dakinis
- danse du vieil homme
- danse de 2 squelettes
- …
Jour 3 – cérémonie du feu – Jinsak
Le dernier jour se déroule la cérémonie du feu qui a pour vocation de réduire le mal dans le monde. Le mal est représenté par des grains, des tormas et du beurre qui sont jetés dans un feu où ils se dissolvent, les forces négatives disparaissent ainsi au profit d’une heureuse nouvelle année.
S’en suit la destruction du mandala de sable. Le sable récupéré est alors versé dans la source au-dessous du monastère à destination des nagas, serpents génies des eaux.
Fêtes et danses rituelles dans les monastères bouddhistes tibétains du Ladakh
Leh : Dosmoche les 28ème et 29ème jours du 12ème mois du calendrier tibétain.
Cette fête rassemble des moines de la plupart des monastères du Ladakh. Elle se déroule dans la cour du temple de Chenrezig sous le palais royal.
Des sortes de gâteaux rituels, appelés chotpa, sont offerts aux Bouddhas et autres divinités interprétés par les moines qui exécutent les danses traditionnelles masquées.
Des dho, sorte de toiles d’araignées en fils colorés, sont assemblés dans le but de capturer les mauvais esprits. Une structure géante à plusieurs étages de dho, appelée dosmo, est élaborée par des moines venus du monastère de Takthok.
Le deuxième jour, après les danses masquée, une procession dirigée par des lamas quitte la cour du temple de Chenrezig et traverse la ville de Leh pour aller jeter dans un grand feu les dho, le dosmo et autres offrandes votives.
Hemis : Tsechu les 10ème et 11ème jours du 5ème mois du calendrier tibétain.
Ce festival au monastère d’Hemis est le plus célèbre du Ladakh. Sa renommée a rapidement dépassé les frontières et il est devenu le plus couru du Ladakh avec malheureusement une dérive touristique.
Chaque année la fête est célébrée sur 2 jours à l’occasion de l’anniversaire de Padmasambhava (Guru Rinpoche en tibétain) qui introduisit le bouddhisme au Tibet au 9ème siècle et fondateur du bouddhisme tantrique tibétain.
Le festival est donc consacré à Padmasambhava et à ses 8 manifestations. Tous les 12 ans pour l’année du singe, année de naissance du grand maître Indien, une thangka géante de 7 mètres le représentant est déroulée à cette occasion dans la cour du monastère.
Le premier jour s’organise comme suit :
- les lamas arrivent en procession dans la cour et s’installent
- danse des chapeaux noirs
- danse de Padmasambhava et de ses 8 manifestations
- danse des protecteurs
- danses des squelettes, gardiens des cimetières
- danse des gardiens des 4 portes
- danse du cerf
- danses de Heruka qui démembre une effigie en tsampa représentant le mal
- danse de réjouissance des Ging-pa
Le second jour :
- danse des chapeaux noirs
- bénédiction d’animaux vivants , chien, chèvre, cheval …
- danse du cerf
- danse de Mahakala
- danse du cerf et des squelettes et démembrement de l’effigie en tsampa
- danse du moine Hashang qui porte un masque souriant monstrueux et s’amuse avec les enfants
Phyang : Tsedup les 28ème et 29ème jours du 5ème mois du calendrier tibétain.
Ce festival est dédié au fondateur de l’ordre Drigung Kagyu, Skyoba Jigten Gombo.
Une particularité à Phyang est la longueur des danses.
La thangka représentant Jigten Gombo n’est exposée que tous les 3 ans pour les années du cochon, du serpent et du singe.
Matho : Nagrang les 14ème et 15ème jours du 1er mois du calendrier tibétain.
Des danses sont exécutées par les moines de Matho, le seul monastère de l’ordre Sakya au Ladakh.
Le second jour apparaissent 2 oracles qui représentent 2 divinités locales Rongsten Kar et Rongsten Mar, abrégé en Rongsten Karmar.
Ce sont 2 moines choisis pour une durée de 5 ans qui se sont imprégnés des divinités Rongsten Karmar pendant 1 an de claustration. Quelques jours avant la fête ils entrent régulièrement en état de transes pour être prêt le jour j.
Torse nu et les yeux bandés ils courent sur les rebords des toits en hurlant et s’entaillent le corps et la langue avec un sabre. Ces auto-mutilations ne laissent aucune traces à la grande surprise des fidèles. (photos interdites!)
Ces 2 oracles formulent ensuite des prédictions pour l’année à venir.
Fêtes et danses rituelles dans les monastères bouddhistes tibétains du Zanskar
Karsha : Gustor les 28ème et 29ème jour du 5ème mois du calendrier tibétain.
Des danses sont exécutées par les moines du monastère, le plus grand du Zanskar.
On bénit aussi quelques animaux, mouton, chèvre, chien, yak …
C’est un laïc qui prédit l’avenir et non un oracle. Il a été choisi et préparé spirituellement par des lamas du monastère.
Le Nyung-Ne est une cérémonie de jeûne et de purification qui se déroule du 7ème au 9ème jour du 1er mois du calendrier tibétain.
Sani : Naro Nasjal les 14ème et 15ème jours du 6ème mois du calendrier tibétain.
Ce festival est l’occasion de rendre hommage à Naropa, grand maître yogi de la lignée Kagyupa. Dans la petite cour arrière du monastère une chapelle contient une statue en bronze de Naropa qui n’est dévoilée que pendant la fête.
Ce sont en réalité les moines du monastère de Bardan qui assurent les danses.
Autre originalité, les nouveaux mariés du village sont invités pendant la fête et reçoivent des dizaines de khataks (écharpes blanches de cérémonie).
Texte et photos Michel Birouste. Photos Manu Rimdu Chiwong Hervé Blanchard.