Voyager au Ladakh ou au Cachemire, c’est découvrir une région spectaculaire de l’Himalaya… mais aussi une zone où la géopolitique façonne encore le quotidien. Derrière la beauté des paysages se cachent des frontières disputées, des héritages coloniaux complexes et des tensions qui persistent entre trois puissances : l’Inde, le Pakistan et la Chine.
Sommaire
- Géopolitique du Cachemire et du Ladakh : une région aux frontières contestées
- Où se trouvent le Cachemire et le Ladakh ?
- Le Jammu-et-Cachemire avant 2019 : comprendre la situation géopolitique avant la scission
- Pourquoi la réforme géopolitique du Ladakh et du Cachemire en 2019 ?
- Le Ladakh, entre espoirs et inquiétudes
- Cachemire et Ladakh : une décision aux répercussions géopolitiques mondiales
- Quel avenir pour le Ladakh et le Cachemire ?
Géopolitique du Cachemire et du Ladakh : une région aux frontières contestées
Depuis la partition de l’Inde britannique en 1947, le Cachemire reste l’un des territoires les plus sensibles d’Asie.
La Ligne de Contrôle (LOC), tracée après l’accord de Karachi en 1949, sépare aujourd’hui la partie indienne de la partie pakistanaise, sous supervision de l’ONU. Mais selon les cartes, ces frontières varient encore — reflet des désaccords persistants.
Les voyageurs qui s’aventurent dans ces régions le savent : il faut souvent obtenir des permis spéciaux pour accéder aux zones frontalières, et certaines vallées restent strictement interdites.
Malgré cela, le Ladakh est resté une terre paisible et accueillante, bien différente du Cachemire voisin, où les tensions politiques et militaires sont récurrentes.
Où se trouvent le Cachemire et le Ladakh ?
L’ancien État du Jammu-et-Cachemire se trouve à l’extrême nord de l’Inde, dans une enclave montagneuse de l’Himalaya, entre le Pakistan et la Chine.
- Une partie du Cachemire est administrée par le Pakistan,
- une autre par l’Inde,
- et la zone orientale de l’Aksai Chin, historiquement rattachée au Ladakh, a été annexée par la Chine après la guerre sino-indienne de 1962.
Le Cachemire indien couvre environ 200 000 km² et abrite près de 12,5 millions d’habitants. Sa vallée centrale, à majorité musulmane, contraste avec le Ladakh, vaste désert d’altitude à majorité bouddhiste, beaucoup moins peuplé.

Côté pakistanais, le territoire représente 86 000 km² pour environ 6,4 millions d’habitants, tandis que l’Aksai Chin, sous contrôle chinois, couvre 37 000 km².
La partition a brisé des familles et interrompu d’anciens échanges commerciaux entre le Tibet, l’Asie centrale et le sous-continent indien. Pourtant, le tourisme au Ladakh a permis une nouvelle forme de rayonnement. Depuis son ouverture en 1974, la région attire un nombre croissant de voyageurs, séduits par ses paysages lunaires et sa culture tibétaine.
Le film “Trois idiots”, tourné au lac Pangong, a d’ailleurs contribué à sa notoriété auprès des Indiens eux-mêmes.

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Le Jammu-et-Cachemire avant 2019 : comprendre la situation géopolitique avant la scission
Avant 2019, le Jammu-et-Cachemire bénéficiait d’un statut d’autonomie unique.
L’article 370 de la Constitution indienne, instauré après 1947, accordait à la région une large indépendance politique et administrative.
Ses habitants avaient leur propre constitution, leur drapeau et le contrôle de la plupart des affaires locales.
L’article 35A, lui, interdisait aux citoyens indiens non résidents d’y acheter des terres.
Cette exception faisait du Cachemire un État à part, avec ses propres règles.
Mais le 5 août 2019, le Premier ministre Narendra Modi a mis fin à ce statut spécial.
Le Jammu-et-Cachemire a été divisé en deux territoires distincts :
- le Ladakh, désormais sous administration directe de New Delhi,
- et le Jammu-et-Cachemire, sans autonomie particulière.
Pourquoi la réforme géopolitique du Ladakh et du Cachemire en 2019 ?
La décision de 2019 répond à deux logiques politiques opposées :
- Du côté du gouvernement indien, il s’agissait de “normaliser” la région et d’affirmer son unité nationale. Le parti nationaliste hindou BJP, au pouvoir depuis 2014, promettait depuis longtemps la suppression de ce statut jugé “injuste”.
- Du côté des Ladakhis, la réforme a été plutôt bien accueillie. Cela faisait des décennies qu’ils réclamaient une autonomie vis-à-vis du Cachemire et de sa capitale Srinagar, souvent perçue comme corrompue et éloignée de leurs réalités locales.
Mais au Cachemire, à majorité musulmane, la décision a été vécue comme une provocation politique.
Beaucoup craignent une transformation démographique si les Indiens d’autres régions peuvent désormais s’y installer librement.
Le Ladakh, entre espoirs et inquiétudes
Pour les habitants du Ladakh, cette nouvelle autonomie représente une chance.
Ils espèrent un développement plus juste, avec moins de corruption et plus d’investissements directs.
La création de nouveaux districts autonomes, comme celui du Zanskar, est perçue comme une avancée positive.
Mais les inquiétudes demeurent :
- la fin possible des quotas d’emploi réservés aux minorités locales,
- l’augmentation du prix des terres,
- et surtout, la pression sur les ressources naturelles, notamment l’eau. La ville de Leh, par exemple, fait face à une grave pénurie d’eau due au tourisme de masse et à la multiplication des hôtels.
Pour les voyageurs, rien n’a changé : le Ladakh reste une région sûre et accueillante, ouverte à la découverte de sa culture bouddhiste et de ses paysages d’altitude.
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Cachemire et Ladakh : une décision aux répercussions géopolitiques mondiales
La suppression du statut spécial du Cachemire a relancé les tensions diplomatiques.
Le Pakistan a immédiatement dénoncé une “violation du droit international” et rappelé son ambassadeur.
Des manifestations ont éclaté à Srinagar, où un couvre-feu a été instauré.
Sur le plan géopolitique, cette décision complique aussi les équilibres régionaux :
- Les États-Unis comptent sur le Pakistan pour stabiliser l’Afghanistan, mais se rapprochent de l’Inde.
- L’ONU, elle, demande toujours un référendum sur le statut du Cachemire — un projet que l’Inde refuse catégoriquement.
- Et la Chine, déjà en conflit frontalier avec l’Inde dans la région de l’Aksai Chin, observe la situation de près.
Au-delà des tensions religieuses, le Cachemire et le Ladakh représentent un enjeu hydrique majeur :
l’Indus, fleuve vital pour le Pakistan, prend sa source dans ces montagnes.
C’est pourquoi, dès 1960, un traité international sur le partage des eaux a été signé entre les deux pays sous l’égide de la Banque mondiale.

Quel avenir pour le Ladakh et le Cahemire ?
Depuis 2019, la pandémie a ralenti le tourisme et mis en pause de nombreux projets. Mais sur le terrain, la vie continue.
Les Ladakhis, patients et résilients, poursuivent leur chemin entre traditions bouddhistes et ouverture au monde. Pour les voyageurs, comprendre ces enjeux géopolitiques permet d’aborder la région avec plus de recul et de respect.
Le Ladakh reste une terre de paix, d’altitude et de spiritualité. Le Cachemire, lui, attend encore de retrouver la sérénité de ses vallées autrefois surnommées le “paradis sur terre”.
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Caroline RIEGEL
Crédit photo : Yoann Vieil, avec nos remerciements.